Spoturno est une maison de parfum indépendante, portée par une histoire familiale riche et une passion commune pour la création olfactive. Fondée sur des valeurs d’authenticité et d’excellence, Spoturno conjugue tradition et innovation pour offrir des fragrances uniques. Dans cette interview exclusive, la fondatrice et le parfumeur nous racontent leur parcours, leur vision du parfum et les secrets qui font de Spoturno une marque d’exception.
Pouvez-vous nous parler de votre aventure, votre parcours et de vos intentions avec ce projet ?
Mon parcours s’est fait de manière assez naturelle, Ce sont les racines de ma famille qui m’ont conduite jusqu’ici. Nous ne sommes absolument pas dans une démarche de rééditions de parfums anciens, nous sommes dans une perspective d’apporter de la modernité. Bien entendu, la marque s’inscrit dans des racines fortes, profondément ancrées en Corse, mais notre volonté était de lui donner une nouvelle vie, un autre chemin. Grâce aux talents de Christopher Sheldrake, nous avons pu créer des parfums totalement inédits. Ils sont bien sur inspirés par l’histoire familiale.
Cette collection de cinq parfums a été élaborée avec le plus grand soin. Nous avons pris le temps nécessaire, Christopher en particulier, car pour nous, un parfum ne naît pas du jour au lendemain. Nos parfums possèdent une architecture complexe, mais toujours dans le respect des matières. Il faut donc laisser le temps faire son œuvre.
Christopher a bénéficié de toute la liberté nécessaire. Il n’y avait aucune contrainte, pas même un brief. C’était d’ailleurs ce qui a participer à l’attirer et le convaincre. Puisqu’il me faisait confiance et me confiait son talent, je trouvais essentiel de lui offrir en retour cette liberté totale dans la manière dont il souhaitait interpréter les récits familiaux que je lui avais partagés.
Pourquoi avoir souhaité relancer une marque de parfum, alors que ce n’était pas votre domaine professionnel initial, vous qui étiez céramiste et photographe ?
J’ai du sang parfumé, malgré tout. Depuis mon plus jeune âge, j’ai été sensibilisée à cet univers, que ce soit par mon grand-père, lui-même petit-fils de François Coty, ou par ma mère, qui avait une sensibilité extraordinaire. À mes yeux, elle aurait dû naître parfumeuse. Elle en avait le potentiel.
Lorsqu’on est aussi imprégné par une histoire familiale aussi forte, on ne perçoit pas toujours les chemins que l’on aurait pu emprunter. Je n’ai aucun regret, bien sûr, mais avec du recul, je réalise que ce lien au parfum aurait peut-être dû être exploré plus tôt dans ma vie. J’ai suivi un parcours dans l’artisanat d’art, ce dont mon grand-père était très fier. Il disait souvent que j’étais la seule véritable artiste de la famille. Ce projet dépasse largement le caprice d’une héritière. Ce n’est pas ma nature. C’est avec naturel que je me suis replongée dans cette histoire, portée aussi par une collection privée extraordinaire de plus de 1000 objets. Le chemin s’est fait tout seul.
Ce projet a aussi un pouvoir réparateur. Ma famille a traversé de nombreuses épreuves, et cette démarche me permet de soigner certaines blessures. À travers le talent de Christopher, c’était un véritable rêve que de faire revivre cette histoire parfumée autrement, une histoire qui reste, pour moi, absolument essentielle.
Lorsque vous disiez que vous œuvriez dans l’ombre, que vouliez-vous dire exactement ?
J’ai beaucoup accompagné mon grand-père dans sa volonté de faire rayonner le nom de notre aïeule. Je l’ai aidé activement dans ses recherches et dans la mise en place de l’association qu’il avait fondée en 2000, il y a plus de vingt ans.
Si cette nouvelle maison veut exister, elle doit impérativement se projeter.
Bien sûr, il est essentiel de créer des ponts avec mon histoire, de s’appuyer sur des histoires authentiques pour inspirer la collection de parfums. Ces récits constituent une base solide, une sorte de base de données affective et culturelle, qui nous permet de faire le lien entre les années 1920 et aujourd’hui, sans pour autant s’enliser dans des explications historiques trop approfondies.
Christopher, qu’est ce qui vous a donné envie, au delà de la liberté totale au niveau du brief, de rejoindre cette aventure ?
Oui, cela fait environ cinquante ans que je suis dans l’industrie. J’ai commencé dans le sud de la France, à Grasse, berceau de la parfumerie européenne moderne. J’ai passé les vingt dernières années chez Chanel et, en parallèle, cela fait trente-cinq ans que je crée les parfums de Serge Lutens. Avant cela, j’ai travaillé pour différents fournisseurs de parfums, et aussi pour des maisons comme Estée Lauder, Jean-Paul Gaultier, et bien d’autres.
J’ai rencontré Véronique il y a une dizaine d’années, et j’ai immédiatement été frappé par sa passion et sa connaissance du milieu. Pour moi, le lancement de cette collection ne repose pas seulement sur une marque, mais sur une forme d’héritage génétique. Véronique porte en elle les gènes de son arrière-grand-père, un immense parfumeur qui a totalement transformé l’industrie : en créant des fragrances uniques, mais aussi en les présentant dans des flacons de luxe, ce qui était inédit à l’époque.
Quand j’ai rencontré Véronique, j’ai senti qu’elle portait cette passion dans le sang. Elle m’a inspiré l’envie de participer à cette aventure, dans une forme de synergie. J’ai mis à disposition mes cinquante années d’expertise, en matière de matières premières, de création, de goûts, de cultures, pour répondre à l’élan de Véronique de créer une collection profondément ancrée dans une histoire.
Ce qui m’a séduit, ce n’était pas l’idée de faire des parfums à la mode ou de suivre des tendances actuelles. C’était au contraire de concevoir une ligne de parfums qui, dès le départ, ait une stature institutionnelle. Tout ce que Véronique souhaitait, son exigence, son attention au détail, au packaging, aux couleurs, aux récits, à l’histoire de sa famille faisait profondément sens pour moi. J’ai donc été naturellement inspiré et j’ai voulu lui proposer des idées qui résonnaient avec son univers.
Comment vous définiriez vous l’univers olfactif des parfums Spoturno ?
Christopher :
Pour moi, l’univers olfactif de Spoturno devait marier deux choses : d’un côté, des parfums contemporains, pensés pour les envies d’aujourd’hui, et de l’autre, la texture, la qualité et la profondeur des grands classiques. Mon ambition était que, lorsqu’on les découvre, on ait l’impression de sentir des parfums intemporels… mais que personne n’a encore jamais sentis.
Véronique :
Ce que je trouve fondamental dans le luxe, c’est la notion de temps ! Prendre le temps de bien faire les choses, de soigner chaque détail. On ne lance pas un parfum juste parce que le timing commercial l’impose. On le lance quand il est prêt.
De notre côté, nous avons mûri ce projet pendant sept ans, dont cinq ans de création. Trois fois, on a été sur le point de lancer la collection… puis on s’est ravisés. Pour moi, cette exigence, cette patience représente le véritable luxe.
Christopher :
Et aujourd’hui, je suis très fier du résultat. Les parfums ont été créés pour Véronique, en pensant à des personnalités et des sensibilités très différentes. L’idée, c’est que chacun puisse s’y retrouver. Et ce que je trouve formidable, c’est que les gens hésitent souvent entre plusieurs… ils voudraient repartir avec deux, voire trois. Pour moi, c’est la preuve qu’on a visé juste.
Véronique :
Cinq parfums, c’est un équilibre : assez pour couvrir différents univers, mais sans diluer le message. Chaque fragrance a sa personnalité, mais il y a aussi un fil rouge entre elles.
Nous avons commencé par créer le parfum Alphée, premier de la collection Spoturno
Veronique :
Parfum en hommage à un homme remarquable: Joseph Marie François Spoturno. Alphée est aussi le nom d’un yacht acquis par son arrière-grand-mère Yvonne dans les années 30, avec lequel elle a navigué pendant plusieurs années, jusqu’en Adriatique.
Elle avait baptisé ce bateau Alphée. Ce nom signifie « le guide » dans la mythologie. Je voulais retranscrire cette image : une journée radieuse, sur ce bateau, la mer calme, le ciel bleu, un moment suspendu où tout est lumineux. C’est ça, Alphée, c’est la lumière, la modernité..
Christopher :
J’ai été inspiré par cette histoire, mais aussi par le nom Alphée lui-même, qui m’évoquait un poème sur une rivière sacrée. J’ai voulu créer un parfum très frais, minéral, avec des notes corses : feuilles de myrte, baies de genévrier, des agrumes. L’objectif étais que le parfum durent, c’est souvent le problème avec les parfums frais, il ne tiennent pas.
J’ai donc renforcé les agrumes avec du Néroli, de la fleur d’oranger. En fond, j’ai ajouté des notes épicées comme la cardamome, les baies roses, et une touche d’ambre issue de la sauge. Ça donne un parfum à la fois frais, lumineux et enveloppant, qui dure toute la journée. Et j’en suis très fier.

5 parfum Spoturno
Le parfum Barbicaja :
Christopher :
Barbicaja est le nom du domaine Spoturno sur la route des Sanguinaires en Corse. Exactement là où nous avons été les pionniers de la culture des orangés Ce domaine est une cote rocheuse indomptable. Dans les termes italo-corses, Barbicaja signifie « maison indomptable ».
Christopher :
Encore une fois, j’ai été transporté tout de suite et je ne connaissais pas Barbicaja avant. A La belle époque des années 20-30, en effet, tout le monde descendait sur la Côte d’Azur, la Croisette, la Riviera. Et après un moment, il y avait des visiteurs qui ont décidé de chercher un peu plus loin : plus d’intimité.
Barbicaja est devenu une nouvelle destination, peu connue, un secret bien gardé.
J’ai donc décidé, en écoutant Véronique, qu’il fallait un parfum d’insouciance à la fin de la journée, après les balades, après les sorties en bateau, après les jeux de tennis, quand on descend, quand on se repose le soir avec l’obligation de prendre un café.
Il y a aussi les effluves des fleurs d’oranger, qui arrivent des vergers justement plantés par la famille Sportuno. J’ai voulu démarrer ce parfum avec un genre de fraîcheur très agréable. Un peu cette fraîcheur quand on rentre chez un fleuriste. Un peu fleur, vert, tige, eau très fraîche : muguet, rose. On retrouve l’odeur des fleurs d’oranger et celui de la tubéreuse juste derrière.
Le parfum l’âme du phénix :
Véronique :
L’âme du phénix représente les armoiries familiale. Le phénix est la pour protéger, pour enrober toute cette belle collection et la propulser vers un nouveau monde, une nouvelle vie, puisque le phénix relais de ses cendres par lui-même.
Christopher :
Pour moi c’est une évidence, le phénix renaît de ses cendres, donc le parfum est cendré.
C’est un parfum qui sent le brûlé, le bois, je voulais faire quelque chose qui se rapproche du tabac. Ce parfum a un coté très sombre mais par la suite il y a aussi de la lumière et meme de la renaissance. Il y a des notes de gingembre et une sorte de pamplemousse amer. Le parfum est si dense, si sombre, si riche, que ce pauvre pamplemousse est complètement envahi. Il sauve le parfum mais on ne le sent pas.
L’âme du phénix est un parfum très puissant, très tenace avvec des notes très sombres, brûlées et boisée, un parfum pour donner envie à tous ceux qui aiment les parfums du Moyen-Orient.
Le parfum Spoturno 1921:
Véronique :
Spoturno a une symbolique très forte qui vient cébébrer la naissance de la famille des Premier-Orientaux, née cette année la.Nous avons voulu rendre hommage à la naissance de cette famille très historique.
Pour nous, cette année a été un point d’ancrage, pour moi c’est l’aboutissement d’une carrière, celle d’un aïeul qui a marque les esprits, c’est sur.
Il fallait créer un parfum qui avait cette forte symbolique, et Spoturno 1921 s’est présenté lui meme.
Christopher :
Le parfum Spoturno 1921 est le lien entre l’histoire de la famille de Véronique et la collection de parfums contemporains. Ce parfums a été conçue avec une technologie moderne mais dans le style des années 20.
Qu’entendez-vous par technologie moderne ?
Toute les molécules moderne n’existait pas a l’époque. Lorsque nous utilisons des produits naturels aujourd’hui, ils sont extraits différemment qu’il y a 100 ans et avec beaucoup plus de soin.
Le produit naturel est moins endommagé par l’extraction, de nos jours on arrive à extraire ce qu’on veut. On peut même, par distillation, d’autres distillations moléculaires, ou par fraction, enlever certaines molécules qu’on ne veut pas dans le naturel.
Aujourd’hui le naturel est quelque chose de très précis, très étudié et très conforme à toutes les recommandations.
Dans le parfum Sporturno 1921 on a beaucoup de produit natuels et des produits nobles tel que : la rose, le jasmin, la fleur d’oranger, la tubéreuse, le bois de santal, la vanille, la fève Tonga.
Tout ces ingrédients noble sont mis en scène avec les molècules modernes.
On n’utilise plus des produits animaux tel que l’ambre gris ou le civette, on utilise des produits de synthèse que nous avons trouvé dans les produits naturels animaux, et qui sont aujourd’hui synthétisés à partir, souvent, du voyance végétal.
Ce parfum est un éloge au style de la parfumerie des années 1920 où l’ont voit les produits naturels au premier plan.
Lorsque vous sentez ce parfum, vous allez avoir un effet de fraîcheurs D’agrume, mais très riche avec la rose, la tubéreuse, la fleurs d’oranger. Nous avons aussi des notes vanillées avec la fève tonka et le musc.
L’eau de parfum.
Véronique :
L’eau de parfum déroule de l’extrait. L’eau de parfum reste issue de la même formule, avec un caractère plus affirmé aujourd’hui.
Christopher :
Traditionnellement on élaborait d’abord l’extrait de parfum, puis venaient l’eau de Cologne, l’eau de toilette ou l’eau de parfum.
L’extrait est la version la plus riche, il contient plus de concentrés et d’avantage de matières premières noble.
L’eau de parfum, quant à elle respire davantage sur la peau. Elle est plus fraîche, plus transparente, plus facile à appréhender.
L’extrait est plus profond, plus dense et plus velouté. Il offre une consistance épaisse, très riche, marquée notamment par la vanille et la fèves tonka. L’eau de parfum , elle, reste plus aérienne et plus accessible.
Comment avez-vous impliquer certains artisans d’art ?
Véronique :
Un point essentiel a souligner est l’implication de nombreux artisans d’art.
Pour moi, beaucoup de parfum d’exeption mérite d’être habillé avec la même exigence.
Aujourd’hui, on parle beaucoup d’écoresponsabilité, de simplification, de « mettre le jus d’abord ». Je ne suis pas d’accord avec cette approche. Personnellement, je refuse d’appeler cela un « jus » — je trouve ce mot déplacé pour un parfum. Mettre un flacon standard dans un étui standard alors qu’il contient un bijou, c’est vraiment dommage. C’est comme si l’on habillait une femme magnifique avec une robe banale. Lorsqu’on veut sublimer une personne, on choisit une tenue à sa hauteur. Pour moi, un parfum, c’est pareil : il mérite un écrin.
Il fallait célébrer ces parfums si signés et si beaux. La beauté mérite d’être honorée, mise en valeur, comme on le faisait dans les années 1920. À l’époque, on inventait déjà le packaging, les flacons sur mesure, les coffrets travaillés, les échantillons pensés avec soin. Chez nous, les écrins sont en bois, recouverts de papier, et chaque flacon est personnalisé. Le bouchon, en verre, a nécessité deux années de développement. Il a été fabriqué par la maison Le Verrier Bormioli à Parme. C’est un flacon rechargeable, équipé d’une pompe à vis, un vrai défi technique. Chaque écrin a été conçu avec des pliages d’époque, inspirés de boîtes à chocolat, et contient un lit de satin pour accueillir le flacon avec dignité. C’est un hommage à la fragrance.
C’est ainsi qu’est né l’écrin « Chapelle », là aussi, nous avons collaboré avec des artisans d’exception.
Nous avons aussi conçu un flacon chez Walters Perget, avec un bouchon en verre sablé, vert contre vert, un procédé qu’on ne voit quasiment plus aujourd’hui. Ce bouchon a été façonné au chalumeau par un Meilleur Ouvrier de France, Adrien Collin, à Dinan. Il a créé un bouchon extraordinaire, comparable à un presse-papier. Chaque pièce est unique, car il utilise la technique de l’implosion de verre blanc : il chauffe une tige de verre blanc et y insère un petit point blanc qui, sous l’effet de la chaleur, s’épanouit pour former une fleur. C’est tout simplement magnifique. Quoi qu’on dise, on regarde un parfum avant de le sentir. C’est un fait.
Où peut-on trouver vos parfums ?
Tout d’abord, vous pouvez découvrir nos parfum sur notre site internet : spoturno.com
Nous proposons des coffrets découverte, livrés avec un petit pochon. C’est, selon moi, une excellente manière de faire connaissance avec une marque.
Nous avons également quelques point de vente bien choisis. À Paris, par exemple, vous pouvez nous retrouver au « Bureau du Parfum », situé en plein cœur de la capitale, à République. Il y a également Songe Parfumée à Bruxelles et Le Paravant à Lyon. Pour cette année, nous sommes présents dans une quarantaine de points de vente à travers le monde.
Il faut savoir que les États-Unis représentent déjà notre premier marché, et ce principalement via internet. Comme vous, les clients américains commandent d’abord le coffret découverte, puis reviennent pour commander le parfum qui leur a plu
Comment nous découvrent-ils depuis l’autre côté de l’Atlantique ?
Je dirais les réseaux sociaux. Nous bénéficions d’une belle visibilité grâce à eux. Et puis, il y a eu le lancement de la marque à la Galerie Vivienne, un événement marquant. Pendant plus de deux semaines, nous avons été présents sur place chaque jour. Christopher était là, avec nous, pour porter ce lancement avec passion. C’était une aventure magnifique, un moment inoubliable, gravé à jamais dans ma mémoire.
Quelle est la place du digital au sein de toute votre stratégie, du coup ?
La plage du digital au sein de notre stratégie est très importante. J’ai toujours senti que les États-Unis avaient une appétence particulière pour ce que je fais depuis le début et cela se vérifie dans nos dernières ventes.
Comment est ce que vous voyez l’avenir de Spoturno dans 10 ans ?
Ma priorité est de préserver la qualité. Mon combat est de protéger sa qualité, son excellence, sa désirabilité, sa raison d’être. Je ne fais pas tout ça pour rien, je ne fais pas tout ça pour que cela tombe entre de mauvaises mains.
crédit photos : Amaury Laparra