Ils sont deux, viennent d’univers très différents, mais partagent une même ambition : réinventer la vente de sacs de luxe d’occasion. Arlène, juriste internationale originaire de République dominicaine, passionnée de mode et Alexandre, consultant en gestion de projet et diplômé d’école de commerce, unissent leurs compétences pour donner naissance à Sphère Vintage, un site de vente de sacs de seconde main. Une aventure née d’une passion personnelle devenue un projet entrepreneurial à part entière.
Quelle fut votre vision au départ et qu’apporte Sphère Vintage sur le marché de la seconde main ?
L’idée de Sphère Vintage est née de l’expérience personnelle d’Arlène. Passionnée par les sacs de luxe qu’elle achetait pour son compte, elle a ensuite été sollicitée par des amies et s’est mise à rechercher des modèles spécifiques. Ce n’était au départ qu’un passe-temps qui s’est progressivement transformé en véritable projet entrepreneurial.
Sphère Vintage se distingue tout d’abord par une sélection très pointue réalisée par Arlène et Alexandre. L’objectif est de proposer des pièces rares de seconde main, difficiles à trouver sur le marché, tout en conservant une offre plus classique pour répondre aux différentes attentes.
Pour ce faire, Sphère Vintage participe à des enchères réservées aux entreprises. Le client transmet les caractéristiques du sac qu’il recherche, ainsi que son budget, et nous nous chargeons de le trouver parmi les ventes aux enchères disponibles. Le prix fixé ne sera jamais dépassé, mais il peut être inférieur si l’enchère est remportée à un tarif avantageux. Ce fonctionnement permet aux clients d’accéder à des modèles souvent introuvables sur les plateformes classiques, à des prix généralement plus accessibles.
Quand vous parlez d’enchères, de quoi s’agit-il exactement?
La majorité des sacs proposés par Sphère Vintage provient de ventes aux enchères réservées uniquement aux professionnels du monde entier, accessibles en salle ou en ligne. Ces enchères sont dites « cachées », car elles ne sont pas ouvertes au grand public. Nous avons des partenariats établis avec des maisons spécialisées, ce qui nous permet de réaliser des ventes à l’international.
Ce fonctionnement permet non seulement d’accéder à un large catalogue de produits de seconde main, mais aussi de garantir l’authenticité des pièces. Il offre également la possibilité d’acquérir des produits rares à des prix souvent plus avantageux que ceux du marché grand public. Ce fonctionnement permet de répondre plus précisément aux demandes personnalisées.
Comment êtes-vous sûrs de l’authenticité des sacs?

Mini sac 2.55
Le fait de travailler avec des maisons d’enchères reconnues est déjà un premier gage de fiabilité. Chaque sac de seconde main acheté dans ce cadre est accompagné d’un certificat d’authenticité.
Sphère Vintage travaille par ailleurs avec Entrupy, une entreprise américaine leader dans le domaine de l’authentification des produits de luxe. Leur expertise ne se limite pas aux sacs, mais couvre l’ensemble du marché du luxe. L’entreprise nous fournit un iPhone contenant exclusivement leur application. Grâce à cet appareil, nous prenons des photos précises de toutes les parties du sac. Ces images sont ensuite comparées à leur base de données, ce qui permet à Entrupy de déterminer l’authenticité du produit. Trois résultats sont alors possibles : le sac est authentifié, non authentifié, ou bien les éléments nécessaires à l’analyse ne sont pas disponibles dans leur base. Dans ce dernier cas, nous faisons appel à une entreprise française appelée, Les Authentificateurs que nous avons interviewés afin de comprendre leur fonctionnement.
L’entreprise repose sur un modèle d’authentification hybride, combinant technologie et expertise humaine pour garantir l’authenticité des produits de luxe, explique Pierre-Alexis Kanga. Le processus d’authentification se divise en deux grandes étapes, l’authentification digitale et l’authentification physique.
L’authentification digitale permet aux clients de soumettre des informations sur leur produit, accompagnées de photos et de documents justificatifs, comme des factures ou des certificats d’authenticité. Ces éléments sont analysés par un système de contrôle des documents, permettant de détecter les faux grâce à des outils spécialisés. Ensuite, les images du produit sont comparées à une base de données de références pour identifier les éléments caractéristiques, avec l’intervention d’experts humains pour examiner les photos et, si nécessaire, demander des images supplémentaires ou une vidéo de la pièce.
Lorsque l’authentification digitale n’est pas possible, notamment pour des pièces comme celles des maisons Hermès ou Chanel, l’entreprise propose un service d’authentification physique. Dans ce cadre, les clients peuvent soit se rendre dans un showroom partenaire, soit déposer leur produit dans un point de dépôt. Un expert procédera à un examen complet de la pièce en utilisant plusieurs critères, tels que le toucher, l’odeur, et un contrôle visuel approfondi. Si l’expert confirme l’authenticité du produit, un certificat d’authentification détaillant les 60 points de contrôle validés est délivré au client.
Prévoyez-vous d’élargir votre offre au-delà des sacs ?
Pour le moment, nous nous concentrons exclusivement sur la maroquinerie, explique Alexandre Etienne, de Sphere Vintage Nous proposons déjà une pochette en plus de nos sacs de seconde main, ce qui reste toutefois dans le même univers.
À terme, nous aimerions nous diversifier, mais cela demande des compétences spécifiques selon les segments visés. L’objectif pour la première année est vraiment de consolider notre position sur le marché de la maroquinerie. C’est aussi pour cette raison que nous avons choisi un nom comme “Sphère” : il ne renvoie pas uniquement aux sacs, ce qui nous laisse une certaine liberté pour évoluer dans le futur.
Qu’est-ce qui pourrait pousser un client à acheter chez vous plutôt que sur des plateformes comme Vestiaire Collective ?
Notre objectif est d’abord de proposer une sélection de produits que nous aimons vraiment, que nous choisissons avec soin. Contrairement à d’autres plateformes, nous ne faisons que très peu de dépôt-vente. Nous préférons garder la main sur les pièces que nous proposons, ce qui nous permet d’apporter notre propre touche. Ce côté personnalisé est, selon nous, un vrai plus.
Il y a aussi un aspect très concret : les prix. Vestiaire Collective prend des commissions importantes, en moyenne autour de 30 %, entre leur marge de base (environ 20 %) et leur service acheteur, qui est aussi assez onéreux. Résultat, les prix peuvent grimper rapidement pour l’acheteur, alors que la part revenant au vendeur reste faible.
Nous pensons que notre valeur ajoutée réside dans plusieurs éléments : une sélection unique, des prix compétitifs, un système d’authentification très fiable et un service sur mesure qui permet, par exemple, de rechercher des modèles de seconde main précis à la demande. Tout cela crée une expérience différente de celle proposée par une marketplace classique.
Concernant le financement, avez-vous choisi de vous autofinancer ou avez-vous bénéficié de soutiens extérieurs, comme des aides ou des investisseurs ?
Nous avons choisi de financer le projet nous-mêmes, l’objectif est de nous développer progressivement grâce à la vente de nos sacs. Alexandre a bénéficié du programme de création d’entreprise financé par l’État. Nous avons fait le choix de ne pas faire appel à des investisseurs pour garder la main sur le projet et pouvoir prendre nos décisions stratégiques comme nous le souhaitons. Nous voulons vraiment que ce projet soit développé tel que nous l’avions imaginé ensemble. Toutefois, nous ne fermons pas la porte à de futurs investisseurs, mais pour le moment, c’est une option que nous préférons éviter.
Comment procédez-vous avec les vendeurs ?
Pour la majorité de nos produits, ce sont des sacs que nous achetons directement, principalement via des maisons d’enchères. Nous avons aussi quelques sacs en dépôt-Vente dont le fonctionnement est un peu different. D’abord, les personnes intéressées nous envoient des photos de leur sac. On réalise alors une première estimation de prix que l’on partage avec elles. Ensuite, on organise un appel pour comprendre l’origine du sac et vérifier certains éléments. Il y a aussi un aspect subjectif dans la sélection : il faut que le produit nous plaise, et que le feeling avec la personne soit bon.

Sac à rabat
Une fois qu’on s’est mis d’accord sur le prix de vente, on indique clairement le pourcentage que nous prenons sur la vente. À ce moment-là, le sac nous est confié physiquement. On procède à l’authentification grâce à Entropy, puis on réalise les photos. Dans un premier temps, on publie sur Instagram, puis ensuite sur notre site Internet. C’est important de préciser qu’une fois que le sac est authentifié, il reste chez nous. La personne ne peut pas le récupérer pour l’utiliser pendant la durée de mise en vente. C’est essentiel pour garantir que le produit reste dans l’état exact dans lequel il a été photographié. Il y a donc un engagement de la part du déposant. Le sac doit rester sur notre site pendant une période déterminée. Nous avons une durée de 4 à 6 semaines, a l’issue de cette période, on refait un point avec le client pour voir s’il faut ajuster le prix ou prendre d’autres décisions.
Face à la concurrence croissante sur le marché, comment comptez-vous maintenir votre position et attirer de nouveaux clients?
Il est clair que la concurrence dans ce secteur est très forte, c’est pour cela que nous proposons des produits de qualité et à des prix compétitifs. Cependant, le marché en France doit encore se développer et se démocratiser progressivement. Bien que la concurrence soit importante, notamment avec d’autres marques spécialisées dans les sacs, il existe également beaucoup de marques qui proposent une gamme plus étendue, incluant des vêtements, par exemple. En revanche, nous, notre focus est vraiment sur notre cœur de métier : les sacs. Nous envisageons également de nous développer sur d’autres marchés, notamment à l’international. En France, il existe déjà quelques acteurs majeurs, mais par exemple, en Amérique latine, il n’y a pratiquement pas de service similaire. Cela représente donc une belle opportunité de croissance, d’autant plus que notre site permet déjà des livraisons internationales via DHL, ce qui constitue un atout supplémentaire pour une expansion mondiale.
Avez-vous l’intention de travailler avec des influenceurs ?
Nous avons envisagé de collaborer avec des influenceurs mais les tarifs sont souvent très élevés, ce qui nous a freinés pour le moment. Cela dit, nous n’excluons pas de tester cette stratégie à l’avenir. Pour l’instant, notre visibilité repose davantage sur d’autres leviers, comme l’article que nous avons obtenu dans Gala. Cette publication nous a non seulement apporté de la crédibilité, mais elle continue de nous servir en matière de référencement, car l’article reste accessible en ligne.
Nous avons par ailleurs, contacté des influenceurs à l’étranger avec lesquels nous avons eu de meilleurs retours. Cela nous permettra d’entrer sur les différents marchés.
Où vous vous voyez dans 2-3 ans et dans 10 ans?
C’est toujours une question un peu difficile, car on fait régulièrement des points pour évaluer notre progression et, surtout, pour voir si nous avons envie de continuer. Il y a un investissement personnel conséquent, donc, à terme, il faut aussi que nous puissions en vivre. Dans l’idéal, d’ici deux à trois ans, nous aimerions faire partie des cinq à dix meilleures marques spécialisées dans la seconde main de luxe. Pour cela, l’un de nos objectifs prioritaires est d’améliorer au maximum l’expérience client. Dans le secteur du luxe, c’est un élément essentiel. C’est pourquoi nous travaillons particulièrement notre identité visuelle et notre packaging. Ma sœur travaille dans ce domaine, et dès le lancement, nous avons mis en place un emballage personnalisé, avec une boîte au style vintage. Cela participe pleinement à l’expérience client : lorsqu’un achat est bien présenté, agréable à ouvrir, cela peut réellement marquer l’acheteur et inciter à renouveler l’expérience. Bien sûr, il nous reste encore de nombreux axes d’amélioration. Aujourd’hui, je suis la seule à travailler à temps plein sur le projet, mais à moyen terme, il faudra certainement réfléchir à faire entrer d’autres personnes dans l’équipe. D’ici deux à trois ans, j’imagine bien un showroom à Paris, une petite équipe autour de nous, et peut-être une présence à l’international, notamment en Amérique latine et en Asie. Ce sont des idées que nous avons déjà évoquées.
Qu’est-ce que vous avez testé qui ne fonctionnait pas?
Ce n’est pas que les pop-ups n’ont pas fonctionné, mais on a constaté qu’ils sont plus rentables lorsqu’ils sont organisés dans le cadre d’événements rassemblant plusieurs entreprises, plutôt que pour nous seuls. Lorsque nous avons organisé nos propres pop-ups de manière indépendante, l’impact était plus limité. Par exemple, nous avons testé un emplacement au passage Choiseul, c’était bien situé en soi, mais les enseignes alentour n’étaient pas axées sur le luxe, donc le public n’était pas tout à fait adapté à notre cible.
En revanche, la vente sur des plateformes comme Vestiaire Collective et Vinted fut décevantes. Sur Vestiaire Collective, les prix finaux étaient trop élevés à cause des nombreuses commissions, et comme nous venions de nous lancer, nous n’avions pas encore d’avis clients pour rassurer les acheteurs. Cela nous a clairement pénalisées. Quant à Vinted, même si la plateforme prend moins de commissions et que nous proposions des prix compétitifs, le positionnement n’était pas idéal. Ce n’est pas vraiment la référence pour l’achat de sacs de luxe. Les utilisateurs y sont plus méfiants, notamment à cause de reportages sur la vente de contrefaçons. Cela a affecté notre crédibilité, et la confiance des acheteurs n’était pas au rendez-vous. Sur Vinted, même si nous recevions des offres, elles étaient systématiquement trop basses. La négociation est permanente, parfois excessive, ce qui rend les ventes difficiles, voire impossibles.
Comment fonctionne la livraison ?
Concernant la livraison, nous utilisons principalement le service DHL avec une remise en mains propres et une assurance correspondant à la valeur du sac, afin de garantir une sécurité en cas de perte ou de dommage durant le transport.
Pour les clientes situées en région parisienne, nous privilégions souvent une remise en main propre. Nous aimons organiser ces remises dans des lieux agréables, comme des galeries d’art, ce qui permet d’offrir une expérience client plus personnalisée. Cela donne aussi l’opportunité à la cliente de découvrir la pièce directement, d’échanger avec nous, et d’exprimer immédiatement son ressenti.
Combien de sacs avez-vous à vendre actuellement ?

Prada Buffalo Washed
Actuellement, nous disposons d’un stock d’environ 34 à 40 sacs. Sur notre site, une sélection de 18 pièces est déjà en ligne, mais d’autres sont en attente de mise en ligne Cela s’explique notamment par le temps nécessaire à la prise de photos, à la rédaction des fiches produits, et parfois à la remise en état des sacs.
Nous venons également d’acquérir de nouvelles pièces. Avant leur mise en ligne, il faut s’assurer qu’elles soient parfaitement prêtes : certaines nécessitent des réparations. Lorsque c’est le cas, cela demande de faire appel au bon artisan, car chaque sac a ses spécificités en termes de matière, de structure ou de finition. Sphère collabore avec des artisans ayant travaillé pour de grandes maisons comme Hermès ou Chanel. Lorsqu’un sac présente des éléments particuliers ou nécessite une remise en état, il est confié à ces professionnels, dont le regard expérimenté permet d’affiner l’authentification.
C’est un processus assez long entre l’achat initial et la mise en ligne finale, mais c’est une étape essentielle pour garantir la qualité et la transparence de nos produits. Notre site internet a été lancé tout récemment, le 27 mars. Pour l’instant, nous n’avons pas encore communiqué officiellement dessus, car nous finalisons encore quelques ajustements techniques.
Le site est néanmoins en ligne est déjà opérationnel.
L’adresse est : www.spherevintage.com.
Lien vers notre article : Luxe et seconde main un mariage fructueux